Au Gabon, l’outrage au Président de la République constitue une infraction pénale lourdement sanctionnée par la législation en vigueur. Les articles 157 à 159 du Code pénal gabonais définissent strictement les contours de cette infraction et précisent les peines encourues. Alors que l’affaire impliquant un ressortissant camerounais, accusé d’avoir publiquement injurié le Chef de l’État, agite les réseaux sociaux, un éclairage juridique s’impose.
L’article 157 du Code pénal gabonais qualifie d’outrage toute atteinte à l’honneur ou à la considération d’une autorité publique – y compris par des propos injurieux, diffamatoires ou menaçants, ou encore par des écrits, images ou gestes. L’article 158, spécifiquement, élève le niveau de gravité lorsqu’il s’agit du Président de la République : la peine peut atteindre cinq ans d’emprisonnement assortie d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions de FCFA.
Un contexte tendu et un dérapage lourd de conséquences
Dans l’affaire en cours, l’auteur présumé, de nationalité camerounaise, aurait qualifié le Président Oligui Nguema de « plus grand sauvage de la planète », après la démolition de ses investissements par les autorités gabonaises. Ces propos, proférés sur fond de colère, sont aujourd’hui considérés comme constitutifs d’un outrage public, et pourraient valoir à leur auteur des poursuites judiciaires sévères.
D’un point de vue humain, ce dérapage peut être compris comme une réaction émotionnelle. Mais du point de vue du droit, les faits sont clairs : l’infraction est constituée, quelle que soit l’émotion sous-jacente, et indépendamment du support utilisé (vidéo, écrit, geste, ou en ligne). Le législateur reste inflexible sur la protection de l’image et de la fonction présidentielle.
Une protection étendue et des nuances dans la répression
Le Code pénal gabonais prévoit des aménagements en fonction des circonstances. Lorsque l’outrage est commis via des tracts, affiches, moyens électroniques ou bulletins distribués publiquement, la peine est réduite à deux ans de prison et deux millions de FCFA d’amende, avec confiscation et destruction des supports à la charge des auteurs. Par ailleurs, l’article 159 prévoit également des sanctions allant jusqu’à six mois de prison et 500 000 FCFA d’amende pour les outrages envers les Chefs d’État étrangers ou diplomates accrédités au Gabon.
Toutefois, ces poursuites ne peuvent être engagées que sur plainte expresse de la personne visée, transmise par le ministère des Affaires étrangères, ce qui inscrit ces délits dans un cadre diplomatique et protocolaire plus restreint.
Liberté d’expression ou atteinte à l’autorité ?
L’affaire du ressortissant camerounais soulève une problématique de fond : l’équilibre entre la liberté d’expression et la protection de l’autorité publique. Si les États ont le devoir de garantir le respect des institutions, la manière dont ces lois sont appliquées fait souvent l’objet de débats sur le plan des droits fondamentaux.
Dans un contexte de refondation républicaine et de transition politique, l’issue de cette affaire pourrait faire jurisprudence et offrir un baromètre de la tolérance du pouvoir en place face à la critique. Un test pour l’État de droit gabonais, observé de près aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.