Gabon : Qui sera le tout premier Vice-Président en charge du Gouvernement ? La grande bataille de l’Estuaire
Alors que la prestation de serment du président élu Brice Clotaire Oligui Nguema est prévue ce 3 mai 2025, toutes les attentions se tournent désormais vers une nomination qui pourrait rebattre les cartes de la haute administration gabonaise : celle du tout premier Vice-Président en charge du Gouvernement. Et selon des indiscrétions bien introduites à la Présidence, cette fonction stratégique devrait revenir… à la province de l’Estuaire.
Une récompense électorale bien méritée ?
La présidentielle du 25 avril 2025 a redessiné le paysage politique gabonais. Brice Clotaire Oligui Nguema l’a emporté avec une nette majorité, mais c’est bien la province de l’Estuaire – la plus peuplée du pays et véritable baromètre électoral – qui a offert au futur président l’un de ses plus précieux soutiens. Sur environ 800 000 votants, près de 380 000 voix ont été comptabilisées en faveur d’Oligui Nguema dans cette seule province, représentant ainsi près de 48 % de son score national. Un raz-de-marée qui n’a laissé aucun doute sur la nécessité politique de « récompenser » cette province clé.
Selon plusieurs sources proches du Palais Rénovation, le chef de l’État serait décidé à attribuer à l’Estuaire le poste tant convoité de Vice-Président en charge du Gouvernement, une innovation institutionnelle de la nouvelle Constitution, destinée à renforcer l’efficacité du pouvoir exécutif.
Mais si l’Estuaire a déjà gagné la bataille de la représentativité, une question plus sensible divise désormais les cercles politiques : qui, des Fangs ou des Omyéné, héritera du fauteuil ?
Fangs vs Omyéné : l’équation identitaire
L’Estuaire, province cosmopolite, est au cœur d’un équilibre délicat entre deux communautés majeures : les Fangs et les Omyéné. La dernière fois que la province a vu l’un de ses enfants occuper la tête du gouvernement, c’était Rose Christiane Ossouka Raponda, une Omyéné, propulsée Première ministre sous Ali Bongo, puis Vice-présidente sous la Transition.
Ajoutez à cela la position actuelle d’Alexandre Barro Chambrier, Omyéné également, qui a occupé la vice-primature et a dirigé avec rigueur et efficacité la campagne présidentielle dans la province. Son nom circule avec insistance pour occuper cette Vice-Présidence exécutive, tant son implication, son aura politique et sa stature internationale en font un prétendant naturel.
Mais voilà : chez les Fangs, cette éventualité passe mal. « Trop, c’est trop », murmure-t-on dans les cercles fang de Libreville à Ntoum. Pour eux, la balance penche trop en faveur des Omyéné ces dernières années. La base sociale fang réclame aujourd’hui une juste rétribution politique, à la hauteur de son poids démographique et de sa fidélité électorale.
Les prétendants côté Fang : duel d’influence et de loyauté
Trois noms majeurs émergent côté Fang.
D’abord, François Ndong Obiang, figure consensuelle, président du parti REAGIR et proche du Président Oligui Nguema. Apprécié pour sa modération et sa fidélité, il souffre toutefois d’un manque d’assise politique solide, à l’heure où son parti traverse une passe difficile, exposant ses faiblesses au grand jour.
Ensuite, Paul Biyoghe Mba, la « Tortue » de Bikélé. L’ancien Premier ministre, passé maître dans l’art du come-back, avance aujourd’hui un nouvel argument : sa proximité tribale avec le président (via la lignée Yeguine). Toujours discret mais présent dans les coulisses du pouvoir, il pourrait surprendre.
Enfin, Rémi Ossélé Ndong, le fidèle de Kango. Moins charismatique, mais redoutablement loyal à Biyoghe Mba, il pourrait se retirer en faveur de ce dernier si les circonstances l’exigeaient.
Et puis il y a la surprise Camélia Ntoutoume. La redoutable « Dame de Fer » de Ntoum, stratège dans l’ombre, qui a méthodiquement évincé Julien Nkoghe Bekalé de l’échiquier politique. Sa ténacité, son enracinement local et son image d’intégrité pourraient bien séduire un président en quête d’efficacité plus que de symboles.
Côté Omyéné : la continuité, ou l’audace discrète
Chez les Omyéné, outre le favori Alexandre Barro Chambrier, Madame Victorine Chicot attire aussi l’attention. Directrice du Cabinet privé du Président, femme de l’ombre et de dossiers, elle jouit d’un immense respect dans les cercles décisionnels. Son engagement pendant la campagne, notamment via son ONG Les Colibris, et sa loyauté constante, en font une candidate crédible, voire idéale, pour incarner une Vice-Présidence technique et efficace.
Plus sulfureux, Jean-Marie Ogandaga, ancien ministre de l’Économie et communicant tonitruant, semble vouloir revenir sur le devant de la scène. Sa défense virulente de la gestion de la dette pendant la transition l’a remis dans les radars, mais son image clivante pourrait peser.
Vers une nomination à haute valeur symbolique
Plus qu’un simple choix politique, la désignation du Vice-Président en charge du Gouvernement sera un message fort. Elle définira l’équilibre communautaire voulu par le président Oligui Nguema, mais aussi son orientation stratégique : privilégiera-t-il la loyauté silencieuse, la compétence technique, ou le poids électoral brut ?
Dans une province où l’équilibre entre Fangs et Omyéné est un éternel jeu de billard à trois bandes, cette nomination pourrait bien façonner les alliances et les lignes de fracture des années à venir.
En attendant le nom du futur Vice-Président, un seul fait est certain : l’Estuaire, plus que jamais, est le cœur battant du nouveau pouvoir gabonais.