Libreville : quand le malheur des déguerpis fait le bonheur des récupérateurs de métaux


Sous les décombres des maisons arrachées à coups de bulldozer, une autre forme de marché émerge, discrète mais bien réelle. Tandis que des familles entières, déguerpies sans préavis, passent leurs nuits à la belle étoile, les bras chargés de ce qu’il leur reste de vie, d’autres sillonnent les ruines pour y faire du « business ». Aluminium, cuivre, tôles, ferraille… chaque morceau de métal devient une marchandise convoitée, collectée, revendue, puis acheminée discrètement vers la décharge municipale de Mindoubé 1, devenue carrefour informel du recyclage à ciel ouvert depuis plusieurs années.

Dans les quartiers touchés,aussi bien à Pleine Orety, Charbonnages qu’au Carrefour SNI, les scènes sont crues : des enfants fouillent les débris à la recherche de bouts de câble ou de vieilles serrures métalliques. Des hommes, armés de pinces et de sacs, démontent les restes de toitures ou d’armatures murales abandonnées. « Ce que certains perdent, d’autres le récupèrent pour vivre », lâche un jeune récupérateur aperçu du côté du Carrefour Charbonnages. Ici, la misère d’un foyer devient la ressource d’un autre, dans un cycle brutal qui expose les failles profondes de la gestion urbaine à Libreville.

Si l’on comprend que la débrouille est souvent une question de survie dans une économie informelle dominante, cette économie parallèle soulève des questions d’éthique et de dignité. Comment accepter que les ruines d’un déguerpissement, vécu comme une violence sociale, deviennent une opportunité marchande pour d’autres ? Et surtout, où est la puissance publique quand il s’agit de proposer des solutions durables aux deux camps – ceux qui ont tout perdu, et ceux qui, faute d’alternative, vivent de ce chaos organisé ? Une chose est sûre : tant que les politiques d’urbanisme ne seront pas pensées avec et pour les populations, les uns continueront de survivre sur les cendres des autres.

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