La récente saisie de munitions à Lambaréné, cachées dans des sacs de manioc et destinées à Port-Gentil, soulève bien plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Dans un contexte où la présidentielle du 12 avril approche et où les tensions politiques s’intensifient, cette découverte n’a rien d’anodin.
Alors que les militaires au pouvoir tentent de stabiliser le pays après le coup d’État d’août 2023, la circulation illégale d’armes ou de munitions suscite des inquiétudes légitimes. Ces cartouches de calibre 12-70 étaient-elles simplement destinées aux chasseurs ou y a-t-il un dessein plus sombre derrière ce trafic ?
Depuis plusieurs mois, le climat politique se tend au Gabon. Si le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) jouissait d’une popularité incontestable au lendemain du renversement d’Ali Bongo, cette dynamique semble s’essouffler face aux défis persistants. La promesse de refonder le pays se heurte à une lenteur administrative et des blocages qui exaspèrent une partie de la population.
La perspective de la présidentielle et l’éventuelle candidature du président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, attisent encore plus les tensions, notamment à Port-Gentil, bastion historique des contestations. C’est précisément vers cette ville frondeuse que devaient être acheminées les munitions saisies. Un hasard ou un signal inquiétant ?
Les premiers éléments de l’enquête pointent vers un réseau impliquant des commerçants camerounais et gabonais, dont la tête pensante présumée serait Angèle Yeno Mfoula, une Gabonaise de 49 ans. Aidée de complices, elle aurait orchestré l’acheminement des munitions avec la complicité de commerçants étrangers. Leur interpellation constitue un premier pas, mais elle ne dissipe pas toutes les craintes.
Qui sont les véritables destinataires de cette cargaison ? Ces cartouches étaient-elles destinées à un simple marché noir ou à alimenter des factions hostiles en vue des troubles électoraux ? Les services de sécurité ont désormais la lourde tâche de remonter la filière et d’identifier d’éventuels commanditaires.
Dans un contexte aussi sensible, le gouvernement ne peut pas se permettre de minimiser cette affaire. La circulation illégale de munitions est une menace directe à la stabilité du pays. L’heure est à la vigilance et à l’anticipation. Toute tentative de déstabilisation doit être contrée avec fermeté, car le Gabon ne peut se permettre un retour en arrière. La Transition doit démontrer qu’elle garde le contrôle et qu’aucune menace ne viendra compromettre l’organisation du scrutin et la sécurité des citoyens.
Plus que jamais, les autorités militaires du CTRI doivent redoubler de vigilance. Le système déchu d’Ali Bongo n’a pas dit son dernier mot et continue de rôder dans l’ombre, cherchant la moindre faille pour fragiliser la transition en cours. La présence de réseaux souterrains, prêts à alimenter des tensions, ne doit pas être prise à la légère.
Ce n’est pas un hasard si, à quelques semaines de l’élection, des munitions sont interceptées dans un axe aussi stratégique que Lambaréné–Port-Gentil. Le CTRI, garant de la stabilité nationale, doit intensifier les contrôles, démanteler toute tentative de sabotage et rassurer la population sur sa capacité à tenir le pays hors de toute menace. Le peuple gabonais a tourné la page du régime Bongo et ne doit en aucun cas voir ce système renaître sous une autre forme.
Ibrahim Mayombo